vendredi 5 décembre 2008

Courrier International - Exodes


Le dernier numéro de Courrier International est consacré aux exodes.
Huit regards sont proposés sur les migrants et leurs migrations.


extraits:

" Technologies de surveillance, centres de rétention offshore, panoplie toujours plus vaste de catégories de visas… Autant de vaines tentatives d’endiguer et de canaliser les mouvements de populations.
Les technologies et les architectures de frontière prolifèrent autour et au-delà des murs du contrôle migratoire. Ces technologies ont pour but de trier, effacer, enfermer, ralentir ; de séparer ce qui a potentiellement de la valeur de ce qui n’en a pas ; d’ériger des frontières à l’intérieur et autour des Etats et des individus.
“Tiers” monde et “premier” monde, colonie et empire, travail salarié et travail précaire ou servile : ces distinctions sont ébranlées par les mouvements de populations sans précédent que connaît le monde depuis la fin du xxe siècle. Les flux ont changé de cap, se sont inversés, les (ex-)colonisés sont allés vers les colonisateurs. Avec, pour conséquences, la militarisation des forces de police, la surveillance préventive, le recours accru au confinement comme moyen d’assurer le maintien de l’ordre, une peur diffuse et une suspicion qui ne se limitent plus aux “marges”. Ces technologies en forte expansion, qui visent à déplacer la misère chez les autres, laissent souvent derrière elles un sillage de mort et de souffrance. Mais leur essor est la preuve que les murs ne peuvent rien face à des mouvements qui restent indétectables tant qu’ils ne se sont pas produits. "


" Superfluidité
La superfluidité est le mouvement du surnuméraire à la limite du détectable. Elle provoque le vide juridique du centre de rétention. Elle détermine le sort des apatrides ; de ceux qui vivent indéfiniment dans des aéroports, des camps frontaliers administrés par l’ONU ou des campements sauvages ; des sans domicile fixe ; des personnes évacuées en vertu des décrets d’urgence de la catastrophe naturalisée ; de ceux qui travaillent sous la menace constante de l’expulsion, avec la panoplie toujours plus vaste de catégories de visas et de clauses sur le travail servile. La superfluidité, c’est du mouvement endigué et canalisé à la fois, l’excès étant laissé en suspens et rendu captif à des fins de tri. Et, entre ceux qui sont qualifiés de “populations flottantes” (comme les hordes de migrants intérieurs en Chine, voir p. 55) et ceux qui sont rendus superflus après calcul de leur valeur potentielle, il y a le centre de rétention offshore, ancré à proximité des côtes de la citoyenneté. "


" Identification

Les techniques de biométrie et de surveillance font de chacun un suspect sur lequel ne pèse aucune charge particulière. Ce sont les principes de mesure et de classement appliqués à la peau, à l’œil, à l’ossature, à la démarche, à la voix, à l’affect, au comportement. C’est la question du garde-frontière “Halte ! Qui va là ?” – question qui fait de l’identification la condition du franchissement de la frontière –multipliée et (post) industrialisée. Ce que l’on retient surtout de ces rejetons high-tech de la phrénologie et de l’eugénisme que sont la biométrie et la surveillance, ce sont les erreurs scandaleuses (et parfois mortelles) d’identification qu’elles induisent, leur coût et leur extraordinaire fiasco. L’identification formelle est contrariée de façon récurrente par le mouvement. Quelqu’un grimace, quelqu’un d’autre se retourne ou bouge un tout petit peu, court trop vite, parle du nez, se tord nerveusement les mains. Les mouvements ne peuvent être fixés sous forme de données ou d’images qu’une fois qu’ils ont eu lieu. Ce qui fait qu’un corps n’est pas un objet est ce qui rend les technologies de reconnaissance défaillantes. "

La suite là.

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